Russell et les sense-data

 

Par Ali Benmakhlouf

 

Colloque international sur les Sense- data 1, Amiens 13-14 décembre 2001

        

L’accointance

 

La connaissance par accointance présuppose en 1911, chez Russell, un dualisme fort du sujet et de l’objet qui met Russell à égale distance de l’idéalisme et du matérialisme. Il s’agit d’assumer pleinement le réalisme de Moore. Il s’agit aussi de contrer aussi bien la théorie du monisme neutre de W.James et de E.Mach qui ne permet ni comprendre comment nous sélectionnons une expérience ni de donner un statut aux particuliers d’insistance comme ‘je’, ‘maintenant’ ou ‘ceci’. Enfin, la théorie idéaliste qui introduit entre le sujet et l’objet un contenu dont le rôle serait d’être une médiation qui permet au sujet d’appréhender un objet est à son tour rejetée. Il lui est notamment reproché d’obscurcir la notion d’objet par celle de contenu. Dans la perspective idéaliste combattue par Russell, la valeur exclusivement psychique de la notion de contenu permettrait de penser « les modifications subjectives » que nous faisons subir aux objets. Une telle théorie repose sur un principe subjectiviste qui rétrograde les objets des sense-data au niveau subjectif, forge la notion d’illusion des sens, et ne donne le statut d’objet qu’à ce qui est extérieur à nos impressions sensibles. Mais si nous prenons l’exemple du soleil, comme le fait Russell, nous dirions qu’ « en fait, l’objet physique dont s’occupe l’astronome est une inférence, et la tache de lumière que nous voyons en dépit de sa variabilité, n’est pensée comme illusoire que sur la base d’arguments spécieux »[1].

Le sujet d’une relation d’accointance n’est pas l’esprit, celui-ci dure, le sujet d’une accointance ne dure pas. Rien ne dit de façon évidente que le sujet qui a telle expérience est le même que celui qui a telle autre expérience. C’est une autre façon de souligner l’axiome des relations externes dont nous avons déjà parlé. De même que le sujet n’est pas l’esprit, l’ego n’est pas le « je », l’ego est « une caractéristique générale »[2] qui ne se rapporte pas plus à une personne qu’à une autre, c’est ce qui fait que l’un de nous se désigne comme « je », mais ce n’est pas le « je ». L’ego est donc un universel tandis que le « je » est plutôt «un nom propre ambigu »[3], il perd son ambiguïté par l’usage, et c’est bien ce « je » là qui est à considérer comme le sujet de la relation d’accointance, une telle relation le pose comme une exigence grammaticale, sans plus. Il suffit de le considérer comme le référent d’une relation, sans se prononcer sur sa nature intrinsèque. Russell soutient la thèse que nous n’avons pas une accointance du sujet, au sens d’une conscience directe de celui-ci. De même, rien n’est engagé du sujet de façon intrinsèque quand il est en relation avec un objet, sinon il faudrait renoncer à la théorie des relations externes. Plutôt que de dire qu’il y a des états d’esprit différents à chaque fois qu’un objet différent est donné, il suffit de souligner que toute différence se résorbe dans la différence des objets, sinon, si à un objet donné correspond un état d’esprit donné, nous retrouverons la théorie des relations internes : « du fait que le complexe ‘mon attention prêtée à A’ est différent de ‘mon attention prêtée à B’, il ne s’ensuit pas que quand je suis attentif à A j’ai une certaine qualité intrinsèque qui ne se retrouve pas quand je suis attentif à B mais non à A »[4].

Par ailleurs, l’objet de cette relation n’est pas un objet extérieur ; c’est plutôt l’objet donné dans une impression sensible (sense-datum), c’est un objet complexe dont l’analyse fournira les constituants, mais tout en étant complexe, il est simplement donné, il n’est en aucun cas défini ou décrit : « pour être en accointance avec un objet, il ne m’est pas nécessaire de réfléchir à mon expérience ou d’observer que l’objet a la propriété d’appartenir à mon expérience, mais au contraire l’objet lui-même m’est connu sans le besoin d’aucune réflexion de ma part sur ses propriétés ou relations »[5]. Tombe avec cette indication la caractérisation idéaliste classique qui nous fait dire qu’avoir une expérience c’est savoir qu’on a une expérience. A la réflexion sur l’expérience se substitue l’imposition d’un nom propre désignatif de l’objet, mais ce nom propre n’est aucunement indicatif d’une propriété quelconque de l’objet, pas même la propriété de donation de l’objet. Celui-ci est au même niveau qu’il soit objet des sens externes comme la vue ou l’ouïe ou objet d’introspection. Dans ce dernier cas, on ne peut plus à proprement parler de « sense-data ». Russell parle « d’extension au-delà de la sphère des sense-data »[6] et cela concerne aussi bien la mémoire que l’introspection. Que signifie ici « extension » ? Il semble que l’introspection nous mette en rapport moins avec des particuliers comme c’est le cas pour la sensation, qu’avec des faits, ce qui l’apparente bien plus à une perception. L’introspection est-elle le moyen de se donner le sujet ? Russell soutient la thèse que le sujet n’est jamais donné. Si l’introspection élargit le spectre de mes sense-data et si elle concerne des faits perçus plutôt que des objets donnés dans la sensation, alors, par analogie avec l’introspection, ce que nous percevons c’est le fait non pas d’un sujet donné, à la manière dont un objet nous est donné, mais un sujet commun à deux instances d’accointance avec deux objets O et O’ par exemple[7].

Plus généralement « toutes les relations cognitives comme l’attention, la sensation, la mémoire, l’imagination, la croyance ou la non-croyance, présupposent l’accointance »[8]. De toutes ces relations, l’attention est la plus emblématique de la connaissance par accointance, car non seulement elle « présuppose » l’accointance mais elle en est aussi un schème interprétatif. Il s’agit d’une « relation », c’est-à-dire de l’attention en tant qu’elle est portée vers tel ou tel objet et non de l’attention en soi. Il est toujours facile de savoir sur quel objet porte mon attention, même si je ne saurais pas définir avec précision cette notion. L’essentiel dans l’accointance réside dans le fait que ce sur quoi porte mon attention sera un objet désigné par un nom propre au sens logique de ce terme : « à tout moment donné, il y a une certaine collection d’objets, auxquels je pourrais, si je choisissais de le faire, de donner des noms propres ; ce sont les objets de mon ‘attention’,  les objets ‘devant mon esprit’, ou les objets qui sont au sein de mon ‘expérience’ présente »[9]. La conséquence forte tirée de cet argument consiste à dire que toute chose que je mentionne autrement que par une description doit appartenir à mon expérience présente et directe, non pas une expérience qui est située dans le temps présent, mais une expérience qui a lieu au moment où « je » fait l’expérience : il peut s’agir de quelque chose dont « je » se souvient et qui n’est donc pas au temps présent. Quand A fait l’expérience de O, aucune autre expérience n’est logiquement requise, ce qui est « expérimenté à tel moment n’est pas connu comme étant la somme totale des choses dans le monde »[10]. Ainsi restreinte, l’expérience est équivalente à l’accointance. Russell considère le terme d’expérience comme trop ambigu et lui préfère celui d’accointance ; le terme d’expérience est ambigu car il a commencé en philosophie à signifier ce que nous connaissons par les sens par opposition à la connaissance a priori, pour, graduellement, voir sa portée s’élargir jusqu’à prendre une signification idéaliste : l’expérience en est venue à évoquer en effet la doctrine selon laquelle « rien ne peut se produire à l’exception de ‘l’expérience’ de quelque esprit »[11].

Mais aussi bien les objets physiques que les esprits des autres personnes ne sont réductibles à des impressions sensibles, et la connaissance qu’on en a ne peut être que descriptive ; elle est véhiculée soit par une description définie du type « le tel et tel » ; soit par une description indéfinie du type « un tel et tel ». L’intérêt des descriptions définies est de nous permettre de savoir que le tel et tel existe alors même que nous n’avons aucune accointance avec lui ; il suffit de savoir que la description définie a une occurrence primaire dans une proposition, nous savons ainsi que l’auteur de Waverley existe quand nous disons « l’auteur de Waverley a écrit de nombreux livres ».

 

Le principe épistémologique fondamental

         Russell énonce au moins deux fois « un principe épistémologique fondamental dans l’analyse des propositions contenant une description ». Il s’agit du principe de compréhension selon lequel : « toute proposition que nous pouvons comprendre doit être entièrement composée de constituants avec lesquels nous avons une accointance »[12]. Ce principe nous dit que ce que nous considérons ou ce que nous jugeons est dans une relation d’accointance avec notre esprit, une relation dont celui-ci est un terme et ce qui est jugé ou considéré, les autres termes de la relation qui sont des constituants de la proposition. L’intérêt d’une telle relation est d’écarter pleinement toute prise en compte des « idées ». En effet, la relation place l’esprit dans un rapport direct avec les autres termes, avec « l’objet » de sa considération ou de son jugement sans que s’intercale entre l’esprit et l’objet quelque chose comme une idée. Les termes qui sont en relation avec l’esprit sont des constituants dans la seule mesure où nous avons une accointance avec eux, comme les descriptions définies décrivent des objets dont nous n’avons pas de connaissance directe, il convient de reconnaître que le jugement qui porte sur un tel objet décrit ne comprend pas la description qui le mentionne comme un constituant ; ainsi par exemple, considérer ou juger que « Jules César a été assassiné » suppose une réécriture pour convertir le nom propre de la langue commune « Jules César », en une description définie (première étape) et cette description définie elle-même en une généralisation existentielle restreinte à un objet (deuxième étape) ; ce qui donne ceci : 1) « L’homme dont le nom est Jules César a été assassiné » ; cette première étape nous indique que nous sommes en accointance avec deux concepts : une figure ou un bruit composé par le nom « Jules César » ainsi que le concept d’assassinat ; 2) La seconde étape indique que nous n’avons pas quelque chose comme un constituant dans « l’homme dont le nom est Jules César » puisque cette expression se réécrit comme suit : « un et un seul homme a été nommé Jules César, et cet homme a été assassiné » ; dans cette expression nous n’avons pas de constituant car nous n’avons aucune accointance avec « un et un seul homme » ; cette expression est une généralisation existentielle restreinte à un individu.

         En ramenant le nom propre à n’être qu’un simple bruit, Russell veut éviter de lui reconnaître un sens. Un nom propre ne sert qu’à désigner une personne ou une chose, mais si nous lui attachons un sens, cela signifie que nous le considérons avant tout comme une description définie. C’est la plupart du temps le cas quand nous avançons un savoir historique sur des personnes ou géographique sur des lieux. Nous sommes alors dans une connaissance par description qui est une connaissance faillible, révisable. On voit mieux maintenant pourquoi Russell faisait du principe énoncé plus haut un principe fondamental, et pourquoi « la dualité du sens et de la dénotation, quoique susceptible d’une vraie interprétation, est trompeuse si elle est tenue pour fondamentale »[13]. En effet, nous avons à tenir compte dans chaque hypothèse, dans chaque jugement, de tous les constituants de la proposition pour la comprendre ; or c’est dans des cas rares que la dénotation est un constituant propositionnel : le cas où nous avons des noms propres véritables. Aussi, si nous avons à tenir compte de tous les autres cas, il convient de ne pas tenir pour fondamentale la dualité du sens et de la dénotation. Et cela pour deux raisons :

1) Pouvoir émettre un jugement sur le présent roi de France, les montagnes en or ou les cercles carrés c’est pouvoir parler d’expressions non dénotatives et cependant comprendre et juger. Même dans des propositions exprimées par «Scott est l’auteur de Waverley », l’assertion ne concerne pas l’identité des dénotations des expressions utilisées à droite et à gauche du mot « est », comme si ces expressions étaient des noms pour un même homme. Elle véhicule plutôt une information, et en tant que telle est conforme à la compréhension que nous recherchons.

1)     La méthode analytique est féconde dans le cas où nous tenons notre principe de compréhension pour fondamental et se révèle un chemin vers une régression à l’infini si nous tenons la dualité du sens et de la dénotation pour fondamentale. En effet, si un jugement comme « Scott est l’auteur de Waverley » portait sur l’identité des dénotations, nous devrions dans une perspective frégéenne dire que la dénotation de « l’auteur de Waverley » est ce à quoi conduit le sens de « l’auteur de Waverley », si nous appelions un tel sens M, nous aurions alors une proposition exprimée ainsi : « Scott est la dénotation de M ». « Mais ici nous sommes en train d’expliquer une proposition par une autre de même forme, et nous n’avons ainsi pas progressé vers une explication authentique. ‘La dénotation de M’ a comme ‘l’auteur de Waverley’ à la fois un sens et une dénotation, dans la théorie que nous examinons. Ainsi, la tentative de considérer notre proposition comme assertant l’identité des dénotations échoue, et il devient impératif de trouver une autre analyse »[14]. Cette « autre analyse » consiste à réécrire en fonction propositionnelle tout expression descriptive pour faire apparaître un élément indéterminé et écarter ainsi définitivement l’hypostase d’un sens ou la présupposition d’une dénotation, dans les deux cas, on a éliminé l’élément constituant.

 

Dénotation et description

 

De ces deux raisons, il ne s’ensuit pas que les dénotations importent peu. Elles sont engagées par nous dans toute enquête sur la vérité : « en tant qu’hommes pratiques, nous nous intéressons à la dénotation plus qu’à la description puisque la dénotation décide de la vérité ou de la fausseté d’un très grand nombre d’énoncés où se trouve la description »[15]. A chaque fois que la vérité ou la fausseté nous importe, la dénotation nous intéresse en premier chef. Contre Frege, Russell pense que ce n’est pas le sens qui conduit à la dénotation, mais c’est bien par l’accointance ou la description que nous cherchons à atteindre la dénotation. Mais cette recherche ne peut convertir la dénotation en constituant de la proposition : nous n’avons pas affaire à Jules César en personne quand on dit de lui qu’il est assassiné. Nous l’approchons par la description que nous en faisons, description qui nous livre des constituants avec lesquels nous sommes en accointance : ce n’est pas avec la dénotation que nous sommes en accointance. Les constituants nous imposent de prendre en compte la forme propositionnelle dans laquelle ils apparaissent.

Dans Problèmes de philosophie, Russell insiste bien sur cet élément de vérité induit par la prise en compte des dénotations dans les descriptions, il souligne dans cet ouvrage non seulement que la connaissance des objets physiques dérive de la connaissance immédiate livrée par l’accointance mais aussi qu’une telle connaissance dérivée n’est ni un contenu mental, ni la mise en présence de l’objet physique considéré avec soi-même : « il n’existe pas d’état mental qui soit une conscience directe de la table elle-même ; toute la connaissance que nous en avons est en réalité connaissance de vérités, et à proprement parler la table elle-même, l’entité réelle, n’est pas du tout connue de nous »[16]. Une telle connaissance est descriptive.

La différence entre connaissance descriptive et connaissance par accointance a pris dans l’œuvre de Russell d’autres expressions. En 1914, dans OKEW, cette différence prend la forme de la dualité entre ce qui est immédiat et ce qui est inféré. Nous savons que les éléments immédiatement donnés sont en petit nombre : « ce qui est actuellement donné aux sens est beaucoup plus restreint que ne le supposeraient naturellement la plupart des gens »[17].

Il y a l’évidence sensible des faits immédiatement perçus et la certitude relative des faits connus par dérivation à partir de cette évidence sensible, il y a aussi l’évidence des vérités générales de la logique, évidence qui confère à ces vérités le statut de « hard facts » que possède aussi les faits immédiatement sensibles : « des doutes réels dans ces deux cas seraient d’origine morbide »[18]. Les croyances psychologiquement primitives ont le statut de prémisses de la théorie de la connaissance et, dans la mesure où elles se rapportent aux sense-data, elles varient d’individu à individu ; ce sont « celles qui nous semblent indéniables—à nous, en cet instant, tels que nous sommes »[19].

 

La justification logique des croyances

 

Mais si les faits relatifs à nos propres impressions sensibles ont avec les vérités de la logique, à la fois un caractère primitif et un caractère de « hard fact », il arrive que certains faits soient simplement probables tout en étant primitifs. Russell distingue entre ce qui est logiquement primitif et ce qui l’est psychologiquement : de nombreuses croyances ne procèdent d’aucune dérivation logique, tout en étant psychologiquement dérivées. Dire qu’elles sont primitives logiquement c’est dire qu’aucune autre croyance logique n’est à leur base ; cependant des éléments extra-logiques peuvent fournir cette base, auquel cas, la croyance est psychologiquement dérivée : dire que nous voyons quelqu’un en colère sur la base d’un froncement de sourcil est une croyance qui n’a aucun fondement logique. Elle est primitive logiquement tout en étant dérivée psychologiquement. La question se pose alors de la justification d’une telle croyance dès lors que nous y décelons une dérivation. Par exemple, le doute concernant la croyance à l’existence d’autres esprits n’est pas « morbide » dans la mesure où il s’agit d’une croyance « psychologiquement dérivée de notre perception des corps »[20], il le serait s’il portait sur nos impressions sensibles. Il y a bien une place pour « un doute méthodique », celui qui pourrait porter sur ce qui est psychologiquement dérivé, non sur ce qui est primitif. Ainsi le doute peut porter sur toute proposition relative à des choses dites matérielles mais aucunement sur les impressions que nous avons de ces choses dites matérielles. Prenons un exemple de ce doute méthodique : il nous apprend que nous n’avons aucune expérience directe de la qualité intrinsèque des choses ; nous ne pouvons jamais attribuer avec certitude une couleur à un objet bien que nous puissions parler avec certitude des différentes taches de couleur qui se succèdent dans nos sense-data. Plutôt que de dire qu’un objet change de couleur, nous devrions pouvoir dire que nous percevons différentes figures qui se succèdent. Ce que sape le doute méthodique ici c’est « l’hypothèse que les objets physiques sont de telle ou telle couleur »[21]. Une telle hypothèse est « gratuite et sans fondement ». Une croyance psychologiquement dérivée et soumise au doute demande donc une justification logique. Cette justification suppose la réponse à deux questions : 1) Les objets des sens existent-ils quand nous ne les percevons pas ?; 2) Pouvons-nous savoir si d’autres objets déduits des objets des sens existent ?

         Notons d’abord qu’il s’agit de questions relatives à des croyances et non à des connaissances. Si Russell parle plutôt de croyances, c’est pour intégrer à son analyse des phénomènes physiologiques constitués de réflexes, d’attentes et d’habitudes qui sont en deçà de la vérité propositionnelle qui puisse les concerner, en deàa de toute connaissance élaborée. Le principe d’induction a par exemple une origine physiologique qui nous incline à parler de « croyances a priori » alors même que nous ne savons pas si nous avons des connaissances a priori : « qu’il y ait ou non des connaissances a priori, il y a sans doute en un certain sens, des croyances a priori »[22].

Notons ensuite, que ces deux questions évitent soigneusement tout problème relatif à la connaissance de ce qui serait indépendant de soi, en raison de l’indétermination extrême où se trouvent les notions « d’indépendance » et du « moi » ; l’indépendance peut signifier aussi bien l’indépendance logique que l’indépendance causale, et le moi renvoie aussi bien à ce qui pense qu’à « l’ensemble des choses qui cesserait d’exister si nous cessions de vivre »[23]. L’indépendance logique signifie que le moi n’est pas une partie du monde qu’il est appelé à connaître ; auquel cas la question posée en 1911 : Pouvons-nous connaître quelque chose d’indépendant de soi ? trouve une réponse positive et ne se pose donc plus. Mais si nous considérons que le sujet fait partie du monde, nous inclinerons à adopter une théorie des relations internes entre le sujet et la dite réalité extérieure. Dans les deux cas, indépendance et dépendance nous avons donc un problème : 1) dans le cas de l’indépendance, nous devons isoler quelque chose comme le moi et en proposer une définition en termes mentalistes ; 2) dans le cas de la dépendance, nous nous retrouvons dans le voisinage des théories idéalistes.

Le fait de considérer favorablement le monisme neutre permet d’éviter ce double écueil ; au caractère relationnel de l’accointance, de la sensation et de l’attention, Russell substituera la sensation-occurrence. Mais, concernant la question de la justification logique des croyances psychologiquement dérivées, le fait de savoir si la distinction entre sensation et objet de la sensation est valable ou non n’est pas pertinent.

 

 

         Colloque sur les « Sense-data »

                            Amiens, le 13 et 14 mars 2003

 

Bertrand Russell, Lewis Caroll : un monde si peu étrange

            Ali Benmakhlouf

 

 

Dans le chapitre intitulé « un thé de fous », Alice se trouve avec un loir presque toujours endormi, un lièvre de Mars et un chapelier dont l’illustration qui accompagne l’ouvrage de L.Caroll pourrait être celle d’un Russell caricaturé. Le dialogue qui s’échange à un moment donné autour de cette cérémonie si anglaise qu’est le thé permet de marquer le contraste entre un fait familier de la vie quotidienne et une présentation logique à première vue étrange du même fait. Relisons le dialogue :

« —Reprenez donc un peu plus de thé (Take some more tea), dit gravement (earnestly) le lièvre de Mars à Alice ;

 —Je n’en ai pas encore pris (I’ve had nothing yet), répondit Alice d’un ton offensé. Je ne vois pas comment je pourrais en prendre plus (so I ca’n’t take more).

 —Vous voulez dire que vous ne pouvez pas en prendre moins (you mean you ca’n’t take less), dit le Chapelier, car il est plus facile de prendre plus de rien (it’s very easy to take more than nothing) »[24].

A la compréhension présuppositionnelle du type de celle de Strawson, répond la compréhension assertive du propos, telle qu’on peut l’induire de la conception russellienne de la proposition. En réalité, il s’agit de la différence entre le langage de la vie ordinaire qui repose sur une série de présuppositions, et le langage logiquement parfait, qui, s’il existait, serait « intolérablement prolixe » comme le rappelle Russell dans la seconde conférence de la Philosophie de l’atomisme logique : « Un langage logiquement parfait, si on pouvait ne construire un, non seulement serait intolérablement prolixe, mais pour ce qui est du vocabulaire, serait en grande partie un langage privé, propre à celui qui le parle. C’est-à-dire que les noms qu’il utiliserait seraient propres à celui qui le parle et ne pourraient figurer dans le langage d’un autre locuteur (…) Somme toute il vous apparaîtrait tout à fait incommode. C’est une des raisons pour lesquelles la logique est si en retard en tant que science, car ses besoins sont extraordinairement différents de ceux de la vie courante »[25].

Du point de vue des sense-data, il faut quelque chose comme l’étrangeté du monde d’Alice pour comprendre la genèse de nos expériences perceptives. Alice au pays des merveilles pourrait être lu comme un roman d’initiation à la logique ou comme l’effort logique que nous avons à faire pour comprendre combien nous sommes contraints à ne résoudre de fait que des questions de vie ordinaire. Il faut donc suspendre cette vie ordinaire pour savoir ce que nous sommes amenés à faire pour nous y adapter. En particulier, ce roman permet de prendre conscience combien loin nous pouvons aller en ne faisant usage que de la syntaxe, en neutralisant en quelque sorte le vocabulaire. L’absurdité est alors au rendez-vous, nous voyons ce que donnerait notre langue si nous ne l’exploitions que de manière syntaxique :

« —Alors vous devriez dire ce que vous pensez, poursuivit le Lièvre de Mars,

—c’est ce que je fais dit Alice très vite, enfin … enfin je pense ce que je dis, …, c’est la même chose n’est-ce pas ?,

 — pas du tout la même chose ! dit le chapelier. Vous pourriez tout aussi bien dire que : « je vois ce que je mange » est la même chose que « je mange ce que je vois ! »[26].

Dans Meaning and Truth, Russell, au chapitre VIII, intitulé « perception et connaissance », indique en quoi le noyau sensoriel, qui n’est pas de nature cognitive, est une base pour parler d’une expérience perceptive, qui elle est cognitive : « Je puis voir un chat ou l’entendre miauler, ou sentir sa fourrure dans l’obscurité. Dans tous ces cas, j’ai l’expérience perceptive d’un chat, mais la première est une expérience visuelle ; la deuxième auditive, et la troisième tactile. Si je veux inférer de mon expérience visuelle les fréquences lumineuses à la surface du chat je n’ai besoin (si je ne rêve pas et que ma vue est normale) que des lois de la physique ; mais si je veux inférer les autres caractéristiques des chats, j’ai en plus besoin de l’expérience qui m’indique que des objets qui ont des formes colorées sont plus aptes à miauler qu’à aboyer »[27].

L’expérience perceptive se traduit généralement par une attente : quand on voit un chat, on s’attend à ce qu’il miaule, à ce qu’il ait une démarche féline, mais il reste qu’il est logiquement possible que ces choses attendues qui en fait se produisent, n’aient pas lieu. Nous sommes alors dans le monde supposé étrange d’Alice au pays des merveilles où les sensations (le noyau sensoriel dans le langage de Russell) ont lieu sans les expériences perceptives : le chat de Chester apparaît et disparaît, et l’étrangeté n’est pas réduite quand, faisant plaisir à Alice, il ne disparaît pas aussi vite qu’il apparaît, quand Alice ne voit de lui qu’un sourire : « j’aimerais bien que vous cessiez d’apparaître et de disparaître si rapidement » dit Alice; « très bien » dit le chat, « et cette fois il s’évanouit lentement, en commençant par le bout de sa queue pour finir par le sourire qui demeura en suspens quelque temps après tout le reste »[28].

Alice a donc des sensations sans expérience perceptive et l’épreuve qu’elle vit est celle de la dé-liaison permanente entre le noyau sensoriel et l’expérience perceptive, dé-liaison qui met à mal l’inférence de l’un à l’autre. Trois remarques à ce sujet :

  1) En l’absence de cette épreuve extrême, nous vivons d’ordinaire une amplification de notre sensation par ce procédé d’inférence que Russell dit « spontané », « animal », « instinctif », et qui nous rappelle l’enracinement organique de la croyance.

   2) Mais aussi, grâce à l’épreuve extrême d’Alice, nous comprenons que ce que le sens commun accepte de manière non critique comme une donnée de la perception, est bien souvent inféré. Or, « seules nos sensations et nos souvenirs sont des données véritables pour notre connaissance du monde extérieur. Nous devons exclure de notre liste de données, non seulement les choses que nous inférons de façon consciente, mais aussi tout ce qui est obtenu par inférence animale, comme la dureté imaginée d’un objet vu mais non touché »[29].

  3) Enfin, il faut noter que cette épreuve extrême d’Alice a surtout un sens pour la question suivante : qu’est ce que nous savons? Certes, si on se place d’un point de vue psychologique, toutes les expériences perceptives peuvent être considérées comme des données. En revanche, du point de vue de la connaissance des choses qui sont « en dehors de nos esprits, il est nécessaire de ne considérer comme des données que les sensations »[30]. Une telle nécessité nous est imposée par les sciences comme la physique et la physiologie dont Russell présuppose la vérité dans tout ce développement sur la manière de combler le fossé entre perception privée et connaissance scientifique. En effet, ce fossé ne pourra être comblé que si nous avons une théorie cohérente de la causalité, or, ce que Russell interroge dans Human Knowledge ce n’est pas la validité des lois causales de la nature, c’est la manière dont ces lois sont inférées à partir des données sensorielles. La question est donc celle-ci : en présupposant la validité de telles lois, comment se construit notre connaissance à partir du monde privé de nos sensations?

  Une telle question pose de façon aiguë la vérité du solipsisme. Si,  d’une part toutes les données sont privées et s’il n’y a pas d’argument, démontrable logiquement, qui me permette de passer d’une donnée à une autre, alors il peut sembler que je sois obligé de ne croire qu’en ma seule existence. Mais, en réalité, toute parole en mon nom suppose que je sache comment délimiter le moi par rapport à ce qui n’est pas moi, ce qui donc suppose l’existence d’autre chose que moi : « si les autres personnes et les choses n’existaient pas, le mot « moi-même » perdrait son sens, car c’est un mot qui délimite et exclut »[31], autrement dit ce mot est relationnel et toute relation pose au moins deux termes. Le moi et le non-moi sont donc les termes d’une relation. Que peut-on cependant sauver du solipsisme si, dans cette doctrine, certaines questions relatives aux données sensibles trouvent le moyen d’être correctement posées? Si l’on prend le solipsisme sous une forme « dogmatique », forme qui stipule qu’il n’y a rien au-delà des données, on ne peut rien en dire car il est tout « aussi difficile de prouver l’existence que la non-existence »[32] des choses. Reste une forme sceptique du solipsisme, forme qui repose non pas sur la non-existence des choses au-delà des données, mais sur la difficulté à les connaître.  A force de changer de taille, Alice ne sait plus qui elle est :

—« Mais je ne suis pas un serpent, je vous assure, dit Alice, je suis une…, je suis une… ;

   Eh bien ! qu’est-ce que vous êtes, dit le pigeon d’une voix brisée, je vois bien que vous essayez d’inventer quelque  chose !,

 — Je suis, …, je suis une petite fille dit Alice, sans trop d’assurance, car elle se souvenait de nombreux changements par lesquels elle était passée ce jour-là »[33].

Mais là encore, il ne faut pas radicaliser cette forme sceptique, au point de restreindre la connaissance au seul noyau sensoriel : l’expérience perceptive doit pouvoir trouver dans ce solipsisme, qui est un empirisme tempéré, le moyen d’être connue. Après tout, Alice se souvient des changements par lesquels elle passe. Russell défend la thèse selon laquelle notre connaissance tout en ne pouvant être logiquement inférée de l’expérience, est cependant causée par celle-ci. Dans le cas de l’identité personnelle, nous disposons d’un matériau riche, fait de « souvenirs, de sensations organiques »[34], qui nous permettent de ne pas trop nous tromper sur nous-mêmes, même si, comme le dit Alice, nous ne pouvons pas expliquer nous-mêmes de façon transitive :

   « Je sais qui j’étais quand je me suis levée ce matin, mais je crois avoir changé plusieurs fois depuis.

   Que voulez-vous dire ? demanda sévèrement la chenille. Expliquez-vous !

—Je ne peux pas m’expliquer moi-même (I ca’n’t explain myself), voyez-vous, dit Alice, parce que je ne suis pas moi-même (because I’m not myself) »[35].

 Il n’y a pas quelque chose comme un ego sous-jacent aux apparences et aux données empiriques, dit Russell à la fin de la dernière conférence sur l’atomisme logique[36], un ego qui nous permettrait même dans l’eau « très profonde »[37] où se trouve Descartes au début de la seconde méditation, de ne pas douter radicalement de soi.

  Revenons au solipsisme, pour conclure . Que signifie : « Quelque chose est à l’extérieur de moi-même » ? ; on peut entendre par là soit que quelque chose est dans mon espace perceptuel, « extérieur » au percept de mon corps, c’est-à-dire extérieur à ce que je perçois de mon corps, non pas extérieur à ce que la physique considère comme étant mon corps; soit que quelque chose est un objet physique, extérieur à mon corps, dans l’espace de la physique. Qu’entend Russell par « percept »? « C’est ce qui arrive, quand, dans les termes du sens commun, je vois quelque chose ou entend quelque chose ou crois que je suis attentif à quelque chose à travers mes sens »[38]. La question de l’inférence se pose ici dans la mesure où les percepts, considérés comme une source de connaissance, sont des effets à partir desquels il est possible d’inférer une cause. Comme ces percepts sont différents, il doit y avoir des chaînes causales différentes, « chaque chaîne causale est une structure complexe ordonnée par la relation spatio-temporelle de co-présence (ou de contiguïté) »[39].

    Quel statut donner ici au percept et à sa cause ? Pour Russell, le percept est mental et sa cause physique. Le mental est défini comme « une occurrence que quelqu’un connaît autrement que par inférence »[40] autrement dit, ce avec quoi quelqu’un a une relation d’accointance, alors que le physique est toujours dérivé d’une inférence, c’est ce qui n’est connu que par inférence. Par cette caractérisation, Russell entend transposer dans le cadre de la connaissance des questions qui appartiennent traditionnellement à la métaphysique. C’est par la question de l’inférence qu’il parvient à distinguer le mental du physique, évitant ainsi tout platonisme, voire toute théologie, doctrines dans lesquelles le mental est traditionnellement considéré comme étant plus noble que le physique.

  Grâce à Alice, les inférences animales qu’elle partage avec tous les animaux qu’elle rencontre, reprennent leur droit. Confronter ces inférences animales à la philosophie de Russell nous donne un éclairage intéressant sur l’enjeu très empirique des constructions logiques les plus abstraites. Peut-être c’est là la raison pour laquelle la logique avance peu : notre vie quotidienne elle-même nous pousse à oublier le noyau sensoriel à partir duquel nous élaborons nos expériences perceptives. Il faut le rêve ou le pays merveilleux pour renouer avec cet élément non cognitif. Le retard que prend la logique est certes comme dit Russell dû à la nécessité de subvenir aux besoins de tous les jours. On peut ajouter, en confrontant Russell à Caroll, que ce retard est dû aussi au refoulement du rêve et de l’enfance, si l’on veut parler comme Freud, ou à l’oubli de ce qui est sous nos yeux si on veut parler comme Wittgenstein.

Colloque sur les « Sense-data »

                            Amiens, le 13 et 14 mars 2003

 

Bertrand Russell, Lewis Caroll : un monde si peu étrange

                  

Ali Benmakhlouf

 

« —Reprenez donc un peu plus de thé (Take somme more tea), dit gravement (earnestly) le lièvre de Mars à Alice ;

 —Je n’en ai pas encore pris (I’ve had nothing yet), répondit Alice d’un ton offensé. Je ne vois pas comment je pourrais en prendre plus (so I ca’n’t take more).

 —Vous voulez dire que vous ne pouvez pas en prendre moins (you mean you ca’n’t take less), dit le Chapelier, car il est plus facile de prendre plus de rien (it’s very easy to take more than nothing) »

              ****

         Russell dans la seconde conférence de la Philosophie de l’atomisme logique : « Un langage logiquement parfait, si on pouvait ne construire un, non seulement serait intolérablement prolixe, mais pour ce qui est du vocabulaire, serait en grande partie un langage privé, propre à celui qui le parle. C’est-à-dire que les noms qu’il utiliserait seraient propres à celui qui le parle et ne pourraient figurer dans le langage d’un autre locuteur (…) Somme toute il vous apparaîtrait tout à fait incommode. C’est une des raisons pour lesquelles la logique est si en retard en tant que science, car ses besoins sont extraordinairement différents de ceux de la vie courante ».

                                                                        ****

« —Alors vous devriez dire ce que vous pensez, poursuivit le Lièvre de Mars,

—c’est ce que je fais dit Alice très vite, enfin … enfin je pense ce que je dis, …, c’est la même chose n’est-ce pas ?,

    pas du tout la même chose ! dit le chapelier. Vous pourriez tout aussi bien dire que : « je vois ce que je mange » est la même chose que « je mange ce que je vois ! » 

****

—« Mais je ne suis pas un serpent, je vous assure, dit Alice, je suis une…, je suis une… ;

    Eh bien ! qu’est-ce que vous êtes, dit le pigeon d’une voix brisée, je vois bien que vous essayez d’inventer quelque  chose !,

    Je suis, …, je suis une petite fille dit Alice, sans trop d’assurance, car elle se souvenait de nombreux changements par lesquels elle était passée ce jour-là ».

 

****

    « Je sais qui j’étais quand je me suis levée ce matin, mais je crois avoir changé plusieurs fois depuis.

    Que voulez-vous dire ? demanda sévèrement la chenille. Expliquez-vous !

—Je ne peux pas m’expliquer moi-même (I ca’n’t explain myself), voyez-vous, dit Alice, parce que je ne suis pas moi-même (because I’m not myself) »[41].

 


[1] On the nature of acquaintance, in R.C.Marsh, op.cit., p.172.

[2] On the nature of acquaintance, op.cit., p.163.

[3] Ibid, p.164.

[4] Idem, p.172

[5] On the nature of acquaintance, p.167.

[6] Problèmes de philosophie, tr.fr., p.71.

[7] idem, p.165.

[8] On the nature of acquaintance, 1914, in Marsh, op.cit., p.126.

[9] On the nature of acquaintance, in Marsh, op.cit., p.130.

[10] Idem, p.161.

[11] Idem, p.128.

[12] Mysticism and logic, ch.X, op.cit., p.209, et Problèmes de philosophie, V, tr.fr., p.80.

[13] Mysticism and logic, op.cit., p.213.

[14] ML, op.cit., p.216-217.

[15] MC, P.219.

[16] Problèmes de philosophie, tr.fr., p.70-71.

[17] OKEW, tr.fr., p. 84.

[18] OKEW, tr.fr., p.87.

[19] PLA, I, tr.fr., p.341.

[20] OKEW, tr.fr., p.89.

[21] Problèmes de philosophie, III, tr.fr., p.57.

[22] L’analyse de la matière, tr.fr., p. 142.

[23] OKEW, tr.fr., p.90.

[24] L.Caroll, Alice au pays des merveilles, in The complete ilustrated works, p.46-47, Gramercy Books, 1982, tr.fr, Marabout, p.92.

[25] Russell, Philosophie de l’atomisme logique (1919) , deuxième conférence, tr.fr., Puf, p.357.

[26] L. Caroll, Op.cit., p.44, tr.fr., p.87.

[27] Russell, Meanning and Truth, tr.fr., Flammarion, p.138-139.

[28]Alice au pays des merveilles, tr.fr d'André Bay, Belgique, bibliothèque Marabout, 1978, p.82.

[29] Human Knowledge, its scope and limits, Londres, George Allen & Unwin LTD, 19481, 19766, p. 185.

[30] Ibidem.

[31] HK, 191.

[32] HK, p.192.

[33] L.Caroll, op.cit., tr.fr., p.68.

[34] Russell, Philosophie de l’atomisme logique, tr.fr., p.436

[35] L.Caroll, op.cit, p.59.

[36] Russell, Op.Cit., p.437.

[37] On peut mettre en parallèle où L.Caroll note qu’Alice « se vit tomber dans ce qui semblait être un puits très profond », tr.fr., p.19 avec le passage de Descartes disant « comme si tout à coup j’étais tombé dans une eau très profonde » ( début des Méditations métaphysiques, tr.fr., Vrin, p.24).

[38] HK, 218.

[39] HK, 244.

[40] HK, 224.

[41] L.Caroll, op.cit, p.59.